Sophie de Menthon, la femme bélier
PORTRAIT – Militante de la cause des entrepreneurs, elle organise la 18e Fête des entreprises.
Par Carl Meeus – 15 octobre 2020
«Dis-le, toi, moi je ne peux pas !» Combien de fois Sophie de Menthon a entendu cette phrase! Connue pour son franc-parler, son sens de la formule choc, la présidente du mouvement patronal Ethic (Entreprise de taille humaine indépendantes et de croissance) reconnaît «résister difficilement à un bon mot, une bonne formule». Ses amis en profitent, lui demandent de monter au front, assurant la suivre pour la soutenir. Tant pis si ce n’est pas toujours le cas. «À l’âge de 12 ans, j’ai décidé que plus personne ne m’imposerait quelque chose, explique Sophie de Menthon. J’ai un rapport compliqué à l’autorité.» Ce n’est pas à 72 ans qu’elle va changer d’attitude!
La semaine dernière elle était à l’Élysée. Elle avait rendez-vous avec un proche conseiller d’Emmanuel Macron. Après les masques, elle se bat pour les tests sérologiques au sein des entreprises. Elle assure qu’elles sont prêtes à payer pour faire passer ces tests à leurs salariés volontaires pour les rassurer. Elle se heurte, comme au printemps dernier pour les masques, aux blocages de l’administration. «Ce sont des gens de bonne volonté, mais personne ne prend de décision, regrette-t-elle. À l’Élysée on me dit qu’on ne peut rien faire et qu’au ministère de la Santé, c’est compliqué!» Mais il en faut plus pour que cette combattante dans l’âme baisse les bras. «Je suis un bélier, je ne peux pas supporter ça.» «Ça», c’est notamment quand elle entend un conseiller lui dire, impuissant: «Vous croyez qu’on ne souffre pas nous aussi de l’État profond?» Alors même qu’Emmanuel Macron s’est engagé en 2017 à le réformer et qu’il en est à la tête depuis trois ans!
Un point commun avec Brigitte Macron
L’impuissance à agir ou à faire bouger les choses, voilà ce qui horripile celle qui a créé sa première entreprise à 20 ans et s’est fait connaître avec sa société de télémarketing Multilignes Conseil. «Si j’avais une question à poser à Emmanuel Macron ce serait: “Mais qui est le chef de l’administration?”» On l’imagine planter ses yeux bleus perçants dans ceux du chef de l’État et attendre la réponse.
Proche d’Alain Madelin, elle a soutenu Emmanuel Macron dans sa campagne présidentielle en 2017. Elle l’a connu quand il était secrétaire général adjoint de François Hollande à l’Élysée. «Il soutenait J’aime ma boîte et la Fête des entreprises (qui célèbre ses 18 ans ce jeudi 15 octobre). C’était l’escalier dérobé des entreprises à l’Élysée.» Mise dans la confidence de sa candidature à la présidentielle, elle assiste à certains de ses meetings. À l’un d’eux, elle est assise à côté de Brigitte Macron. Elle lui dit: «Je vous aime énormément.» L’épouse du candidat la remercie et lui demande ce qui lui vaut cet amour. «Mon mari a quinze ans de moins que moi!» Les deux femmes rient de ce point qu’elles ont en commun.
Sophie de Menthon publiera en juillet 2017 une tribune dans Valeurs actuelles: «Finalement, après plusieurs mois de recul, on peut dire que Brigitte Macron a fait beaucoup plus qu’on ne le croit pour la cause des femmes. La fameuse différence d’âge entre elle et le président de la République, dont on nous a rebattu les oreilles et qui a été au centre de toutes les conversations mondaines, a décomplexé des millions de femmes. Ce qui a stupéfié et choqué dans un premier temps, a viré à l’atout politique et sociologique mondial. Nous sommes fières que ce soit la France qui offre ce nouveau visage du couple au monde!»
Depuis trois ans les contacts se sont espacés. Il faut dire que Sophie de Menthon a soutenu, à ses débuts, le mouvement des «gilets jaunes»hostile au chef de l’État. «Spontanément je suis de leur côté. Je ne conçois pas que les Français n’arrivent pas à vivre de leur travail.» Elle lance l’idée d’une prime de 1000 euros maximum versée par les entreprises aux salariés. «Xavier Bertrand me soutient, le Medef aussi. Mais au bout de trois mois ça devient la “prime Macron”!» Elle envoie un SMS au président pour lui expliquer qu’il aurait pu tout aussi bien l’appeler la «prime Menthon», voire «la prime Patrons», manière habile de les valoriser. Pas de réponse. Il en faut plus pour arrêter le bélier.
Désir d’influence
«Je ne suis pas consultée, mais je donne mon avis.» Cette ligne de conduite lui vaut des petits soucis comme lorsqu’elle est virée des «Grandes Gueules» de RMC après dix ans de participation ou de LCI. Elle avait osé émettre des critiques sur la façon dont les chaînes infos répercutaient tous les samedis les manifestations des «gilets jaunes». Pour autant, Sophie de Menthon ne regrette rien de ses propos. Si elle reconnaît tout de même être parfois «trop spontanée et trop violente»,elle admet aussi prendre «un immense plaisir dans la vérité de ce que je pense. J’ai une telle conviction de bon sens». Passionnée d’opéra, elle écrit beaucoup. Livres pratiques sur le marketing téléphonique ou les affaires, livres pour enfants (elle a six petits-enfants), elle rêve d’écrire une pièce de théâtre avec sa fille. On imagine déjà les répliques, forcément savoureuses! Une façon de continuer son rôle d’influenceuse? «Je n’aime pas le pouvoir, j’aime l’influence, avoue-t-elle. J’aimerais être une femme d’influence.» Son parcours, ses réussites prouvent qu’elle l’est! «Pas autant que je le voudrais.»
Bio express
1948
Naissance à Paris.
1976
Crée Multilignes Conseil.
1995
Présidente du mouvement patronal Ethic.
2003
Création de J’aime ma boîte et de la Fête des entreprises.
2004
Vend sa société. Crée SDME (société de management des entreprises).
2020
18e Fête des entreprises.
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